Des bruyères aux champs de blé – Les amendements marins à Plouzané

Une terre plus fertile

Des femmes, des hommes, des chevaux, du sable et des algues.

Jadis, la récolte des goémons d’épave arrachés naturellement par les vagues était autorisée toute l’année. Cependant, pour enrichir les terres, les cultivateurs leur préféraient les goémons de rive. Seules les grandes marées permettaient de les récolter. Pour préserver la ressource, la coupe de ces derniers fut réglementée.

© Collection privée – Le fort du Minou vers 1873 – Les mulons de goémon

A Plouzané, le 7 avril 1856 alors qu’au clocher l’heure approchait de midi, sur la grève du Dellec, Fanch s’apprêtait à charger la charrette et piquait sa fourche dans un mulon d’algues ruisselantes. Soizic du coin de l’oeil, sa petite faucille à la main, discrètement l’observait. Les pieds trempés, dans ses sabots elle avait bien failli glisser et tomber dans les rochers. Les deux jeunes paysans avaient ri. Les femmes et les hommes depuis ce matin ne ménageaient pas leurs efforts, c’est que le temps était compté. La mer bientôt allait remonter. 

Entre réalité et fiction, en s’appuyant sur des témoignages et précédentes publications, nous vous invitons à nous suivre sur les voies charretières que la mer nous révèle aux grandes marées.

© Yannick Lenouvel – Aux grandes marées les voies charretières se dévoilent sous les eaux

Les roues des charrettes tirées par les chevaux crissaient en manœuvrant sur l’étroite cale. Le p’tit Jean de Kernevent s’était emparé du licol de la jument. Pour la première fois, c’est lui qui allait mener l’attelage jusqu’aux rochers, là-bas au bout de la grève comme son père et son grand-père l’avaient fait. La descente est raide, le sentier étroit. Il faut prudemment guider le cheval avant d’atteindre la plage. « Retiens la bon sang! Ne la laisse pas partir! » 

Les Vigies du Minou depuis quelques mois recherchent les traces, les cicatrices gravées dans la roche, fouillent les archives de papier, interrogent les mémoires d’un temps, pas si lointain, où l’on descendait avec les chevaux jusqu’à la mer. 

Non pas pour s’y baigner, mais au printemps, aux grandes marées pour y chercher les engrais naturels nécessaires à l’enrichissement des terres. 

Les bras costauds, les mains gercées, les dos cassés au coin du feu, en fin de journée s’en souviennent. Ce fut encore une rude journée. Il nous reste seulement deux jours pour profiter de cette marée et remonter les algues jusqu’à la ferme.

Source AD 29 – Les amendements marins. 1856 – Nous maire de la commune de Plouzané arrêtons ….

Préserver la ressource, éviter les conflits

L’arrêté du Maire pour cette année 1856 accordait seulement trois jours pour la récolte des goémons de rive sur le littoral de la commune. 7, 8 et 9 avril, Il faudra être prêts. De la pointe du Petit-Minou jusqu’à Sainte-Anne du Portzic  et sur toute la côte, là où les accès aux grèves le permettent, les paysans se regrouperont par ferme et hameau, on invitera les cousins.

Sur les rives du Goulet, du haut des champs, Goulven observait la mer. Dans le ciel hier soir, la lune presque pleine ne l’avait pas trompé. Les marées basses, laissaient apparaitre une nouvelle fois des roches couvertes habituellement des chevelures rousses de goémons qui dansaient.

Dans les fermes, on le savait, impatients, un peu grognons on murmurait:  « C’était hier qu’il fallait y aller, c’était hier! »  La mer était déjà très basse aux alentours de midi! Oui mais voilà, hier 6 avril 1856, c’était dimanche. Il n’était pas question de manquer la grand-messe pour aller tirer les algues. « Labour zul, labour nul » même le dicton s’y employait. Il fallait l’accepter, pas de travail le dimanche malgré la grande marée. Alors lundi matin, tout le monde sera prêt. 

L’affaire était chaque année d’importance. Après avis d’un conseil municipal, le maire de Plouzané, comme dans les autres communes du littoral du Finistère, adressait un courrier au sous préfet à Brest. Des dates de récolte des goëmons de rive étaient proposées. Le sous-préfet transmettait à son tour les demandes à la préfecture à Quimper.

Comme chaque année, les fermiers se répartissent les grèves, certaines sont privées.

Aux archives

Pour en apprendre un peu plus sur la réglementation et s’y retrouver dans les rouages de l’administration, il y a quelques semaines, deux enquêteurs des Vigies du Minou se rendaient à Quimper, aux archives départementales.

Guidés par les archivistes, sous les cotes de la série 4S des amendements marins, les deux détectives recherchaient parmi les nombreux dossiers, ceux qui pourraient concerner Plouzané.  

Monsieur le Préfet, j’ai l’honneur de vous adresser l’arrêté du maire de Plouzané au sujet de la coupe du goëmon sur la commune…..

Malheureusement pour nous, le dossier ne comportait que la page une, sans aucun détail. En feuilletant précautionneusement les feuilles jaunies par le temps, le préfet répondait au sous-préfet à Brest: 

« Je n’ai aucune observation à faire au sujet de cet arrêté…. il pourra donc être mis à exécution. »

Et vous l’avez compris, les archives n’avaient conservé que les pages de garde de ces courriers navettes entre la mairie, la sous préfecture et la préfecture. 

Aucun détail pour rassasier notre curiosité. Il nous fallait encore persévérer.   

Qui cherche trouve

Page après page, c’est l’année 1856 qui allait récompenser nos efforts grâce à cet arrêté rédigé le 12 février, un mois et demi avant les grandes marées. A Plouzané le temps presse, sera t’il validé par le préfet? En voici l’intitulé:

Nous Maire de la commune de Plouzané canton de  Saint-Renan département du Finistère, Vu la circulaire de Mr Le Préfet du Finistère en date du 24 7bre (sept) 1855 insérée au N° 1310 du bulletin administratif considérant qu’il est de l’intérêt des habitants de la commune que la coupe et l’enlèvement des goémons de rive se fassent avec régularité et avec ordre

Arrêtons:

Art 1: L’époque de la coupe de goëmon de rive sera fixée annuellement dans cette commune par arrêté préalable.

Art 2: Il est expressément défendu de procéder à la coupe de ce goëmon en dehors des jours fixés par le dit arrêté.

Art 3: Le seul instrument dont on puisse faire usage pour ce travail est la faucille. Les autres instruments tel que les ciseaux et au  moyen desquels on arrache le goëmon au lieu de les couper sont interdits.

Art 4: Les goémons devront être coupés à deux centimètres au moins de la roche.

Art 5: Les goémons coupés et qu’on aura laissé séjourner sur les rochers devront être enlevés le jour même de la grève.

Art 6: Il est bien entendu que nul ne pourra déposer ses goémons sur les propriétés voisines de la grève sans le consentement du propriétaire ou fermier.

Art 7: Le garde champêtre de notre commune est chargé de veiller à ce que le présent règlement soit bien observé.

Art 8: La coupe du goémon de rive aura lieu en 1856 dans la commune de Plouzané le 7, 8 et 9 avril 1856.

Pour exécution conforme à l’arrêté présent Le maire de la commune de Plouzané en date du 12 février 1856.

En mairie de Plouzané le 1er mars 1856.

Le Maire

JF Malaboux

© Yannick Lenouvel – Le Dellec – Accéder aux goémons immergés

Depuis combien de temps exploite-t-on ces amendements marins?

De l’ordonnance de la marine du mois d’aoust 1681 aussi appelée « ordonnance de Colbert ».

Titre X – De la coupe du varech

Article premier : Les habitants des paroisses situées sur les costes de la mer s’assembleront le premier dimanche du mois de janvier de chacune année, à l’issue de la messe paroissiale, pour régler les jours auxquels devra commencer et finir la coupe de l’herbe appelée varech ou vraicq, sar ou gouesmon, croissant en mer à l’endroit de leur territoire  

Tous ces mots signifient une herbe qui croit en mer sur les rochers et que la mer arrache en montant et jette sur les bords. Les riverains s’en servent pour engraisser leurs terres. Cette herbe s’appelle sur les costes de Normandie varech ou vraicq. Cette même herbe s’appelle sur les costes du païs d’Aunis, sar, et sur celles de Bretagne on la nomme gouesmon.

Colbert s’appuyant sur des ordonnances antérieures et coutumes ancestrales locales réglemente en 1681 la coupe des goémons de rive! 

Source Gallica – Ordonnance de la marine 1681 – Titre X – de la coupe du varech

Des bruyères sauvages aux champs de blé, faudrait-il remonter pour notre enquête jusqu’aux premiers laboureurs?  Transformer une lande de genêts, une garenne inculte en terres arables. Cela ne ce fit pas, au fil des saisons, sans effort, persévérance et partage des ressources.

A quelques encablures, en rade de Brest, la pêche, l’ostréiculture, le prélèvement de maërl et de sable coquiller se disputent le territoire, chacun souhaitant y préserver ses intérêts. Tant et si bien qu’en 1849 le Ministère de la Marine et des Colonies doit trancher suite à la demande de la société d’agriculture de l’arrondissement de Brest. Un rapport circonstancié est publié s’appuyant sur des ordonnances de 1731 et 1726. Les prélèvements de sable et d’algues afin d’enrichir les terres ne datent pas d’hier.

Source : Gallica : Extrait du rapport de la commission et réglementation du dragage en rade de Brest – Ministère de la Marine et des Colonies 1849 – Remerciements Projet HistoRade https://historade.fr

 

En arpentant les grèves de notre littoral, en fouinant dans les archives départementales à Quimper, autour de la table, invités à partager les souvenirs des anciens, la mémoire de ces activités agricoles et saisonnières devrait nous revenir.  

Documents et témoignages rares, mais l’estran va parler 

C’est la roche en premier qui pourrait nous raconter. Nous allons nous aussi, profiter des grandes marées pour rechercher les traces laissées par le passage des chevaux et des charrettes ruisselantes lourdement chargées.  

© Yannick Lenouvel – Jusqu’à la pointe du Diable !

Au risque qu’une tempête soudaine viennent anéantir leurs efforts, une quinzaine de jours avant la date de la coupe, les riverains propriétaires ou métayers qui cultivaient des parcelles proches des grèves tentaient, parmi les rochers, d’aménager des passages praticables pour les attelages.

Les voix charretières

Au Grand Dellec, du haut de la cale, au pied des falaises, à l’écho du bruit des vagues qui s’apaisent répond maintenant le fracas des charrettes encore vides. Le claquement des fouets, le bois contre le fer, le fer contre la roche, les hennissements des chevaux. Plus tard le forgeron de la Trinité proposera de protéger les roues ferrées des charrettes d’une garniture épaisse de caoutchouc. Les chocs sur les rayons de bois et sur les essieux en seront un peu amortis. 

Tracées depuis combien d’années par l’usure des roues des charrettes et probablement quelques coups de pics, les voies charretières devant nous se prolongeaient encore sous la mer qui descendait.

De la grève de Mescleuziou (Petit-Dellec) les sillons nous guidaient presque jusqu’à la pointe du Diable. Les roches affleurent là-bas, couvertes de goémon brillant et plus rares, dans les trous d’eau, les grands laminaires serpentent lascivement à l’étale de basse mer.

Dans le prolongement de la cale du Grand Dellec le sillon part vers l’Est sur les plateaux rocheux où s’accrochent les algues fouettées par les courants marins du Goulet.

Ici on a aménagé tant bien que mal parmi les blocs de pierres une aire à virer. La jument harnachée dans les brancards y a fait demi tour, son poulain effarouché ne veut pas la quitter.  

Les chevaux iront dans l’eau jusqu’au poitrail permettant ainsi de cueillir les algues jusqu’au bout du bout des bras des goémoniers. La jument et son poulain ne s’y risqueront pas. 

© Grégory Pol – Confection de la drome (Plouneour-Trez)

Un kazeken* à la dérive

Vers l’Ouest, là où les falaises ne laissent aucun accès par la terre, les plus intrépides iront couper les algues en direction du Mengant. Confectionnant des radeaux d’algues flottants avec le courant déjà remontant. Gare à celui qui se laisserait emporter ou emprisonner dans ce filet du kazeken. Ballotée par le flot, chevauchée par un ou deux gondoliers munis de longues perches, la drome flottante sera guidée, remorquée depuis le rivage jusqu’à la grève où tous ceux qui ont travaillé viendront prélever leur part de goémon si durement gagnée. C’est “boutin”, ceux qui ont participé à la réalisation de ce radeau pourront prélever leur part de goémon.

Un jour la corde de halage cassa. Le kazeken parti à la dérive traversa le Goulet jusqu’en presqu’île de Plougastel chevauché par deux naufragés ne sachant probablement pas nager.

De mémoire de Plouzanéens recueillie tout récemment, le grand-père, les frères et les cousins allaient confectionner les kazeken là-bas, jusqu’au pied des falaises du Guenny. Le radeau d’algues était emprisonné dans les cordages. Ficelé comme un rôti. Le dessus de la drome était maintenu par les civières servant à transporter les algues. Le chargement devait être noué, souqué solidement. Trop de mou dans le filet, c’était l’assurance de voir le kazeken se disperser au gré des premières vagues et ses bateliers, gondoliers de fortune risquer de se noyer dans le courant. Pour qui connait les amas de roches de la rive Nord du Goulet entre le Guenny, le Mengant et le Dellec, y conduire un ballot d’algues chevauché par deux hommes jusqu’à la première grève devait être très laborieux et très risqué.

*Kazeken désigne également un corsage

 

© Grégory Pol – La drome devra résister aux vagues et aux courants (Illustration Plounéour-Trez)

La première récolte étant terminée, la mer déjà haute, il n’y avait pas de retardataires pour aller se mettre à table. A la ferme mijotait sur le feu de la cuisinière un grand chaudron de ragout et nous avions faim nous raconte Yvonne Briand-Cadiou dans son livre  « A l’ombre de deux clochers » (La vie de tous les jours à Plouzané). 

La récolte des goémons de rive, ce n’était que trois jours par an. Alors, malgré la fatigue, on était heureux. Après un copieux repas, les hommes retournaient à la grève pour charger les derniers tas d’algues qui s’égouttaient le long du chemin. 

Cette année encore, le goëmon de rive fournira un engrais excellent pour de belles récoltes de betteraves fourragères, de froment, d’orge et de trèfle. 

Le dernier soir, Fanch le fils de Kerezoun avait même osé inviter la jolie Soiz de Mescleuziou à danser!

Des algues et du sable: Traezh – Le sable coquiller du Minou

Débris de roches, de coraux, de coquillages, par nécessité, et bien au delà de notre commune,  les bancs de sable coquiller du Minou furent depuis très longtemps exploités.

Comme dans un champ qui offre sa récolte, les laboureurs trouvaient sur l’estran du Goulet matière à enrichir les terres et diversifier les cultures. Le traezh, sable coquiller, en quatre ou cinq années se dissout lentement diminuant l’acidité des sols. Un apport de calcaire s’avère nécessaire à nos terres afin d’ y cultiver des céréales comme l’orge, l’avoine et le blé. Les amendements de goémons et de sable coquiller furent longtemps la seule opportunité offerte par la nature pour améliorer sensiblement les rendements agricoles et maraîchers. 

Au Minou: Un gisement gratuit et inépuisable

Selon les saisons, aux grandes tempêtes d’Ouest, les bancs de traezh se rechargent laissant croire alors à une ressource intarissable. Si les vents ne sont pas favorables, il suffit d’attendre une prochaine marée. (Vent du Nord, les bancs se rechargent – Vent du Sud le volume des bancs de sable diminue). Expérience du métier et observation de l’environnement nous confiait récemment un témoin de cette activité.  

Ici, pour guider notre enquête sur le terrain, pas de trace de voies charretières. Contrairement à la roche marquée par les empruntes des lourdes charrettes chargées de goémon, la mer à chaque marée efface sur les plages les traces des prélèvements de sable. 

Il fallait aux Vigies trouver d’autres sources d’information.

© Collection privée – Extraction de sable au Minou vers 1875

Les archives numérisées viendront encore à notre secours. A Plouzané nous retrouvons des preuves de cette exploitation du sable coquiller grâce aux délibérations du Conseil Général du Finistère en 1868. 

Pas de voies charretières cette fois mais c’est cependant un chemin qui va nous mettre sur la piste

Venant du chemin du Conquet et plongeant vers la mer, le chemin vicinal qui mène à la grève du Minou est régulièrement emprunté par des attelages provenant de 19 communes alentours nous apprend le résultat d’une enquête préalable au classement du dit chemin vicinal en chemin d’intérêt commun. 

“ll est impossible de laisser à la commune de Plouzané seule l’entretien d’un chemin sur lequel existe une telle activité de circulation.”

Il conduit en effet à un dépôt quasi inépuisable de sable calcaire et sert à un grand nombre de communes de l’arrondissement de Brest.

Autour de la table des négociations, face aux arguments avancés par l’enquête de 1867, seules quatre communes acceptent le classement du chemin du Minou en chemin d’intérêt commun. Après délibérations, le Conseil Général devra trancher. Quatre communes voisines contribueront désormais aux dépenses liées à l’entretien du chemin d’intérêt commun. 

Bien que le prélèvement de sable soit gratuit au Minou les autres communes préfèrent désormais aller acheter le traezh à Brest.

Les sables calcaires dragués par les bateaux (les bagou Minou) y sont déchargés sur les quais du nouveau port Napoléon. 

Ces communes renoncent à aller chercher le sable sur la plage du Minou qui, disent-elles est beaucoup plus éloignée. 

Ressource intarissable, gratuite mais cependant

Quelques grains de sable dans les rouages relevés par les Vigies:

  • 1874 – 1877: Plougonvelin, la douane dresse des procès verbaux, constatés par la gendarmerie, à l’encontre de cultivateurs qui ont procédé malgré l’interdiction à des prélèvements irréguliers de sable dans les dunes du Trez-Hir. Les prévenus seront condamnés à un franc d’amende.
Source AD 29 – 1878 – Loc Maria Prélèvement de sable interdit –
  • Des activités incompatibles:
© Hebdomadaire LA CROIX – 3 décembre 1905 source Gallica
  • 1905: Les câbles transatlantiques sous marins, mouillés dans l’anse du Minou en 1869 reliant Paris à New York ainsi que les suivants reliant la France à l’Afrique pourraient être endommagés par les dragages de sable. L’arrêté du préfet maritime du 3 décembre 1905 interdit désormais la pêche, le dragage et le mouillage des navires dans la zone d’ensouillage des câbles transatlantiques qui partent de la plage du Minou.  
1905 – Le dragage du sable est interdit à l’Ouest du phare du Minou
  • 1908 : La réglementation des extractions de sable considérés comme engrais marins est réglée par un arrêté du préfet maritime du 1er octobre 1908. Ces extractions étant libres et gratuites ne sont interdites qu’en vue de la conservation du littoral, d’ouvrages maritimes, de chemins bordants ou accédant aux grèves.  
  • 1914 – Sabliers et manoeuvres militaires :
Ouest Eclair – 28 février 1914 – Un torpilleur coule le sablier Delphine
  • 1931- Les bagou Minou vont être progressivement remplacés par des gabares motorisées de Lampaul Plouarzel. Les capacités de chargement seront multipliées par 10.
Les bagou-Minou gabares sablières de Port Launay – Daoulas – Le Faou – Landerneau

1950 – Un précieux témoignage

Prigent Leroux, de Kerlembars 

Je me souviens de mon père qui extrayait le sable vers 1950.

Mon père François, né en 1907, tirait du sable du Minou. Je devais avoir 6 ans.

Notre ferme avait 17 chevaux. On avait des étalons pour la reproduction. Mon père aidé par trois ou quatre gars allaient sur la plage pour pelleter le sable. Trois chevaux étaient attelés à la charrette. 

La charrette avait été fabriquée par Valentin, le forgeron, et par Corolleur le menuisier de la Trinité. Elle était équipée de roues caoutchoutées

Sur la plage, il fallait creuser un trou pour que les roues de la charrette descendent. Le sable amassé en tas sur le côté s’égouttait. Il y avait moins de poids à pelleter et la hauteur de la benne était moindre.

La puissance des trois chevaux était alors nécessaire pour sortir la charrette de la plage ou elle s’enlisait.

© Yannick Lenouvel – 17 chevaux à la ferme

Ils déposaient ensuite le sable le long de la route qui remonte de la plage. Ce sable était ensuite repris par le tracteur qui le  transportait jusqu’au champ. On étalait ce sable, à la pelle, dans les champs.

Notre ferme a été une des premières à avoir un tracteur sur Plouzané. Un Renault.

Plus tard, j’ai de même, extrait du sable. Lorsque j’avais 17ans, le tracteur était déjà équipé d’un chargeur. Les gendarmes ne disaient rien pour l’utilisation de cette technique.

Archives Plouzané – Bon pour 15 m3

Nous étions parfois jusqu’à dix agriculteurs à travailler sur la plage. On payait une taxe pas excessive et l’on pouvait prélever 15m3. La mairie ou les affaires maritimes délivraient ces bons. Les gendarmes maritimes passaient, de temps en temps, pour voir si tout était en règle.

Il y avait une période autorisée d’ octobre à mai. C’était du travail dur, mais on aimait ces journées. 

© Collection Alain Rioual – Les chevaux au travail sur la plage du Minou.

Mme Carrette, la tenancière du bar, avait ses affaires qui marchaient bien ces journées. Elle proposait des repas, des casse-croûtes, et bien sûr des boissons. On était dans les années 1970. Mme Porsmoguer tenait le bistrot un peu plus haut.

A côté de nous, Jean Rioual était entrepreneur. Il tirait du sable pour les autres. Jean avait bricolé une jeep.  Il avait équipé cette jeep d’une benne et d’un système pour benner. 

Les agriculteurs qui avaient des fermes plus loin payaient un transporteur ou venaient se mettre sous la trémie construite en haut de la plage.

Archives Plouzané – Quota autorisé – 1982

Avec la mécanisation, ce sont des chargeurs qui ont pris la suite. Guy Leroux et son Michigan, chargeait le sable pour ses clients. Le bitume du parking à souffert de cette mécanisation.

Autour de la table, Yvonne son épouse, originaire de Plougonvelin, signale que les agriculteurs extrayaient aussi du sable à la grève bleue, en Plougonvelin. 

Du sable et des algues, pendant plusieurs centaines d’années probablement, des grèves du Goulet, les paysans tiraient les amendements nécessaires à leurs cultures. De prélèvements très localisés, saisonniers avec les chevaux, cette activité avec la mécanisation prenait un développement qui entraînait une érosion accélérée du littoral. 

1981 – 1986 Périodes d’extractions de sables autorisées – Archives municipales Plouzané

La récolte des goémons de rive cessa après guerre avec l’arrivée de nouveaux engrais. 

La concession minière autorisant les gabares sablières à prélever du sable sur le banc du Minou pris fin en 2011.

© Yannick Lenouvel – Le sablier Penfoul au Minou –

“Boutin” voilà un mot de plus, une expression à ajouter à notre lexique. Une partie de la récolte des algues était “boutin”. Le fruit de ces efforts et de ce travail collectif était “partagé”. Partagé comme cet article réalisé collectivement avec les amis du groupe histoire et patrimoine des Vigies du Minou (ils se reconnaîtront). Collecte de mémoire, recherches dans les archives, investigations sur le terrain, photographies, recherches d’illustrations, témoignages spontanés. Si vous aussi vous souhaitez nous faire part d’un projet, d’un nouveau sujet qui pourrait nous intéresser, n’hésitez pas à nous contacter.

Remerciements

  • M. Prigent Leroux et Alain Rioual pour leurs témoignages
  • M. Grégory Pol pour ses photographies de Plouneour-Trez.
  • https://historade.fr

Sources

  • A l’ombre de deux clochers – Mme Yvonne Briant-Cadiou. La vie de tous les jours à Plouzané – Editions Nouvelles du Finistère 1994
  • La récolte du goémon sur la côte Plouzanéenne – M. Jean-François SIMON – Les cahiers de l’Iroise N° 193 – Mai 2002
  • Plouzané, l’album du siècle Régis Louarn publié au Télégramme en 2004.
  • Traezh – Sables marins et voiliers de travail – Jacques Blanken – SKOL VREIZH
  • Les archives départementales du Finistère – Quimper
  • Les archives municipales de Plouzané
  • BNF Gallica – Presse ancienne du Finistère

Une réflexion au sujet de « Des bruyères aux champs de blé – Les amendements marins à Plouzané »

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